Retour aux articles

L’expérimentation du rescrit juridictionnel est lancée

Civil - Immobilier
Public - Urbanisme
11/12/2018
La publication au Journal officiel du 6 décembre dernier du décret du 4 décembre 2018 rend effective l’expérimentation des demandes en appréciation de régularité prévue par la loi pour un État au service d’une société de confiance.

L’article 54 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 (JO 11 août) pour un État au service d’une société de confiance, dite loi « Essoc », a instauré à titre expérimental, pour une durée de trois ans, une procédure permettant au bénéficiaire ou à l'auteur de certaines décisions administratives non réglementaires de saisir le tribunal administratif d'une demande tendant à apprécier la légalité externe de ces décisions.

L’expérimentation de cette procédure de « rescrit juridictionnel » peut désormais débuter à la suite de la publication du décret n° 2018-1082 du 4 décembre 2018 (JO 6 déc.) qui en définit les modalités.

Le décret précise, tout d’abord, qu’elle est menée dans le ressort des tribunaux administratifs de Bordeaux, Montpellier, Montreuil et Nancy.

Il détermine ensuite son champ d’application. Les décisions non réglementaires prises sur le fondement du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, du Code de l'urbanisme ou du Code de la santé publique et dont l'éventuelle illégalité pourrait être invoquée, alors même que ces décisions seraient devenues définitives, à l'appui de conclusions dirigées contre un acte ultérieur, sont les suivantes :

-       les arrêtés déclarant l'utilité publique (DUP) et leur prorogation (C. expr., art. L. 121-1 et art. L. 121-5) ;

-       les arrêtés d'ouverture de l'enquête publique préalable à une DUP (C. expr., art. R. 112-1 à art. R. 112-3) ;

-       les arrêtés d'ouverture d'une enquête parcellaire (C. expr., art. R. 131-4) ;

-       les DUP en matière d'opérations de restauration immobilière (C. urb., art. L. 313-4-1) ;

-       les arrêtés préfectoraux créant une zone d'aménagement concerté (ZAC ; C. urb., art. R. 311-1) ;

-       les arrêtés déclarant insalubres des locaux et installations utilisés aux fins d'habitation (C. santé publ., art. L. 1331-25) ;

-       les arrêtés déclarant un immeuble insalubre à titre irrémédiable (C. santé publ., art. L. 1331-28).

 

Les modalités de la procédure sont détaillées. Cette demande en appréciation de régularité, formée dans un délai de trois mois à compter de la notification ou de la publication de la décision en cause, est présentée dans un mémoire distinct et limité à cette demande. Est également jointe la décision en cause. La demande contient l'exposé des éléments utiles à l'appréciation de la légalité externe de la décision. À défaut, cette dernière ne peut plus être régularisée après l'expiration de ce délai de trois mois (D. n° 2018-1082, 4 déc. 2018, art. 3).

 

Le décret du 4 décembre 2018 prévoit en outre les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de ces demandes et des réponses apportées par les juridictions. L'auteur de la décision faisant l'objet d'une demande en appréciation de régularité doit ainsi procéder à la publicité de cette demande dans un délai de un mois à compter de son dépôt ou de la communication qui lui en est faite par le tribunal administratif, afin de permettre aux tiers ayant intérêt à agir d'intervenir à la procédure. Cette publicité s'effectue sous peine d'inopposabilité aux tiers de la décision du juge en appréciation de régularité.

L’article 4 du décret liste les éléments que doit comporter cette publicité.

Les tiers ne peuvent intervenir à la procédure que par mémoire distinct et limité à l'appréciation de la légalité externe de la décision, présenté dans un délai de deux mois suivant la date à laquelle la publicité a été effectuée.

Le tribunal administratif statue dans les six mois suivant le dépôt de la demande (D. n° 2018-1082, 4 déc. 2018, art. 7). Si le tribunal constate la légalité externe de la décision en cause, aucun moyen tiré de cette cause juridique ne peut plus être invoqué par voie d'action ou par voie d'exception à l'encontre de cette décision (L. n° 2018-727, 10 août 2018, art. 54). Par ailleurs, rappelons que l'autorité administrative peut retirer ou abroger la décision en cause, si elle estime qu'elle est illégale, à tout moment de la procédure et jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois après que la décision du juge lui a été notifiée (L. n° 2018-727, 10 août 2018, art. 54).

La décision du tribunal constatant la légalité externe de la décision en cause produit ses effets après l'expiration du délai pour former un pourvoi en cassation ou, le cas échéant, après l'intervention de la décision du Conseil d'État (D. n° 2018-1082, 4 déc. 2018, art. 7).

L'auteur de la demande et les intervenants ont qualité pour se pourvoir en cassation contre la décision rendue par le tribunal. Ce pourvoi suspend l'examen des recours dirigés contre la décision faisant l'objet de la demande et dans lesquels sont soulevés des moyens de légalité externe, à l'exclusion des référés prévus au livre V du Code de justice administrative (D. n° 2018-1082, 4 déc. 2018, art. 8).

La décision rendue est notifiée dans les conditions prévues aux articles R. 751-1 et suivants du Code de justice administrative. Elle est rendue publique sous peine d'être inopposables aux tiers ; le jugement mentionne cette obligation (D. n° 2018-1082, 4 déc. 2018, art. 9).

Enfin, au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, le Conseil d'État adressera au Gouvernement et au Parlement un rapport d'évaluation (D. n° 2018-1082, 4 déc. 2018, art. 10).
Source : Actualités du droit